Aki et Haru avaient été invités par leur Abbé en Chef pour assister à des présentations, dans l’espoir de les guider vers l’Illumination.

Les abbés expérimentés de nombreux des clans s’étaient rassemblés dans leur hall, pendant que nos deux rivaux s’étaient assis l’un à côté de l’autre, au premier rang, pour montrer leur engagement dans leur mission.

La dernière présentation avait pour sujet le management top-down contre bottom-up. L’abbesse, une ancienne développeuse, tirait de nombreux exemples de ses jours derrière le clavier et faisait le parallèle entre la conception venue d’en haut dont il fallait descendre de niveau en niveau jusqu’à l’implémentation, contre l’émergence organique d’une architecture.

Quelques-uns des abbés se fâchèrent qu’elle ne montre des exemples de bons et de mauvauis côtés de chaque, sans jamais prendre de position claire. Un débat houleux s’ensuivit derrière Aki et Haru, que ce dernier écouta avec attention : on lui demanderait probablement son avis lors du dîner, et ne voulant pas montrer de signe de faiblesse, car il était sûr que certains moines en serait à l’affût pour asseoir leur position de pouvoir.

Les yeux de Haru étaient clos, et Aki pensa qu’il s’était assoupu après une journée de conférence et de prise de note intenses dans une salle surpeuplée et surchauffée.

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Au dîner, l’Abbé en Chef vint leur demander s’ils avaient apprécié cette journée, et demanda à Haru ce qu’il en avait pensé.

“J’ai beaucoup aimé les présentations, mais la dernière m’a donné matière à réflexion,” dit-il. Aki n’était pas fâché qu’on ne lui ait pas demandé son avis, et fut surpris que son ami aie choisi le plus difficile des sujets de conversation devant leur supérieur.

“Et qu’en as-tu pensé, alors ?” demanda l’Abbé en Chef.

“Pour moi c’était plutôt un sujet déjà résolu,” répondit Haru, devant un Aki effaré.

“Si une seule voix crie des choses aux gens depuis une tour d’ivoire,” continua-t-il, “c’est plutôt évident que personne ne va l’entendre, ou pire : entendre de travers. Mais si les gens depuis la cour scandent la même chose à l’unisson, la personne en haut de la tour sera probablement capable de l’entendre clairement.”

“Quoi ?”, s’écria l’Abbé en Chef devant un Haru qui n’avait pas perçu la sensibilité de la chose, tandis qu’Aki se recroquevillait dans l’espoir qu’on oublie sa présence. “Serais-tu en train de dire que nous les abbés, serions inutiles et loin des moines ?”

“Absolument pas,” dit Haru, “tout simplement que dès qu’une personne s’élève trop haut pour que ses paroles ne restent claires, elle devrait descendre un peu de sa tour pour clarifier ses mots aux autres.”

L’Abbé en Chef ne dit rien, et prit congé.

À ce moment, Aki reçut l’Illumination, mais Haru se demandait encore de quel Temple on avait parlé, et s’ils avaient réellement construit une tour en ivoire.